Les dessous du dialogue et la participation de Biram
Par Mohamed Fall Sidatt
Depuis hier, les acteurs politiques retiennent leur souffle. Une ultime tentative serait en
cours, menée cette fois-ci par les islamistes, pour convaincre Biram Dah Abeid de
prendre part au dialogue national. Ce ballet de tractations de dernière minute soulève
deux questions centrales : pourquoi le pouvoir insiste-t-il à ce point pour obtenir sa
participation, quitte à lui accorder une légitimité qu’il lui conteste ailleurs ? Et pourquoi
Biram persiste-t-il à refuser une main tendue aussi insistante ?
Pour comprendre les enjeux, il faut replacer cette séquence dans son contexte. D’ici trois
ans, le second – et constitutionnellement dernier – mandat du président Mohamed Ould
Ghazouani arrivera à son terme. S’ouvrira alors une phase de succession, potentiellement
conflictuelle, tant le choix d’un dauphin divise au sein même du pouvoir. Ce climat de
tensions rend chaque initiative politique particulièrement controversée.
C’est dans ce décor que le président a annoncé l’ouverture d’un dialogue national.
Officiellement présenté comme un processus d’écoute mutuelle, l’initiative souffre d’un
flou persistant : aucun agenda précis, aucun objectif clairement défini, sinon un besoin
général de “concertation”. Très vite, les spéculations ont pris le dessus. Certains y voient
une manœuvre pour sécuriser une sortie paisible pour le président sortant, voire une
amnistie. D’autres redoutent une tentative de révision constitutionnelle en vue d’un
hypothétique troisième mandat. En fin, d’autre pensent qu’il s’agit tout simplement d’une
manœuvre diplomatique pour se conformer aux exigences d’un certain milieu
international déterminé à interdire le parti islamiste.
Quoi qu’il en soit, le pouvoir tient plus que tout à une participation large et consensuelle.
Les raisons profondes dépassent donc les discours officiels. Et dans ce jeu subtil, la
position de Biram Dah Abeid devient centrale.
Les résultats réels de la dernière présidentielle – connus seulement du pouvoir –
pourraient expliquer cette insistance. Soit Biram bénéficie d’un poids électoral réel que le
régime préfère cacher pour des raisons qu’il lui est propre, soit il représente, aux yeux de
l’exécutif, l’obstacle principal à certains projets politiques. Dans les deux cas, sa présence
au dialogue devient un enjeu crucial.
Pour Biram, le dilemme est tout aussi stratégique. À plus de soixante ans, la prochaine
présidentielle représente probablement sa dernière chance d’accéder au pouvoir. Si le
futur président reste en poste dix ans, comme le veut la tradition, l’échéance de 2029
marquerait pour lui la fin du parcours. Il ne peut donc plus se permettre de compromis
tièdes ni de promesses creuses d’intégrer un gouvernement d’union nationale, qui
l’absorberaient avant de l’écarter après quelques mois, comme ce fut le cas pour d’autres
figures d’opposition.
Dans ces conditions, le pouvoir aurait intérêt à comprendre que l’époque des dialogues
cousus main, pilotés selon les besoins de l’exécutif, est révolue. Pour regagner la
confiance, il devra jouer cartes sur table : clarifier les objectifs, prendre des mesures
d’apaisement concrètes, et engager sans faux-semblants les principales forces politiques –
Biram compris – dans une discussion sérieuse sur l’avenir du pays.
À défaut, il devra se préparer à un échec retentissant. Car cette fois, le temps des
dialogues de façade semble définitivement révolu. Dans un tel scénario, le président
devra assumer l’entière responsabilité des conséquences et méditer les leçons tirées des
échecs de certains pays de la sous-région, comme le Soudan ou le Mali. Il est illusoire de
croire que l’on peut attiser les tensions, réveiller les vieux démons, puis continuer à
gouverner comme si de rien n’était. Chaque averti com
Depuis hier, les acteurs politiques retiennent leur souffle. Une ultime tentative serait en
cours, menée cette fois-ci par les islamistes, pour convaincre Biram Dah Abeid de
prendre part au dialogue national. Ce ballet de tractations de dernière minute soulève
deux questions centrales : pourquoi le pouvoir insiste-t-il à ce point pour obtenir sa
participation, quitte à lui accorder une légitimité qu’il lui conteste ailleurs ? Et pourquoi
Biram persiste-t-il à refuser une main tendue aussi insistante ?
Pour comprendre les enjeux, il faut replacer cette séquence dans son contexte. D’ici trois
ans, le second – et constitutionnellement dernier – mandat du président Mohamed Ould
Ghazouani arrivera à son terme. S’ouvrira alors une phase de succession, potentiellement
conflictuelle, tant le choix d’un dauphin divise au sein même du pouvoir. Ce climat de
tensions rend chaque initiative politique particulièrement controversée.
C’est dans ce décor que le président a annoncé l’ouverture d’un dialogue national.
Officiellement présenté comme un processus d’écoute mutuelle, l’initiative souffre d’un
flou persistant : aucun agenda précis, aucun objectif clairement défini, sinon un besoin
général de “concertation”. Très vite, les spéculations ont pris le dessus. Certains y voient
une manœuvre pour sécuriser une sortie paisible pour le président sortant, voire une
amnistie. D’autres redoutent une tentative de révision constitutionnelle en vue d’un
hypothétique troisième mandat. En fin, d’autre pensent qu’il s’agit tout simplement d’une
manœuvre diplomatique pour se conformer aux exigences d’un certain milieu
international déterminé à interdire le parti islamiste.
Quoi qu’il en soit, le pouvoir tient plus que tout à une participation large et consensuelle.
Les raisons profondes dépassent donc les discours officiels. Et dans ce jeu subtil, la
position de Biram Dah Abeid devient centrale.
Les résultats réels de la dernière présidentielle – connus seulement du pouvoir –
pourraient expliquer cette insistance. Soit Biram bénéficie d’un poids électoral réel que le
régime préfère cacher pour des raisons qu’il lui est propre, soit il représente, aux yeux de
l’exécutif, l’obstacle principal à certains projets politiques. Dans les deux cas, sa présence
au dialogue devient un enjeu crucial.
Pour Biram, le dilemme est tout aussi stratégique. À plus de soixante ans, la prochaine
présidentielle représente probablement sa dernière chance d’accéder au pouvoir. Si le
futur président reste en poste dix ans, comme le veut la tradition, l’échéance de 2029
marquerait pour lui la fin du parcours. Il ne peut donc plus se permettre de compromis
tièdes ni de promesses creuses d’intégrer un gouvernement d’union nationale, qui
l’absorberaient avant de l’écarter après quelques mois, comme ce fut le cas pour d’autres
figures d’opposition.
Dans ces conditions, le pouvoir aurait intérêt à comprendre que l’époque des dialogues
cousus main, pilotés selon les besoins de l’exécutif, est révolue. Pour regagner la
confiance, il devra jouer cartes sur table : clarifier les objectifs, prendre des mesures
d’apaisement concrètes, et engager sans faux-semblants les principales forces politiques –
Biram compris – dans une discussion sérieuse sur l’avenir du pays.
À défaut, il devra se préparer à un échec retentissant. Car cette fois, le temps des
dialogues de façade semble définitivement révolu. Dans un tel scénario, le président
devra assumer l’entière responsabilité des conséquences et méditer les leçons tirées des
échecs de certains pays de la sous-région, comme le Soudan ou le Mali. Il est illusoire de
croire que l’on peut attiser les tensions, réveiller les vieux démons, puis continuer à
gouverner comme si de rien n’était. Chaque averti comprendra.