Les droits humains et les tensions sociales en République Islamique de Mauritanie. Les cas de l’emprisonnement de Biram Ould Dah et de la condamnation à mort de MKhaitir

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Adrar-Info – La situation des droits humains en République Islamique de Mauritanie s’est considérablement détériorée au cours de la dernière année, ce qui renforce dangereusement les tensions sociales dans un pays qui reste très fragmenté et en proie à l’avancée des mouvances islamistes.

Dans cet essai, le premier d’une série de publications indépendantes, je vais essayer d’éclaircir cette situation d’un point de vue anthropologique et citoyen, à partir de deux faits récents qui marquent un tournant dans l’ordre politique mauritanien.

Il s’agit, d’une part, de la condamnation à deux ans de prison des dirigeants de l’IRA, Biram ould Dah Ould Abeid et Brahim Ould Bilal, ainsi que du dirigeant Djiby Sow, président de l’ONG Kawtal Ngam Yellitaare (Rassemblement pour le progrès, en langue pulaar), le 15 janvier 2015. Et, d’autre part, de la condamnation à mort de Mohamed Cheikh Ould Mkhaitir, pour crime d’apostasie, le 24 décembre 2014.

Nous allons commencer cet essai par l’examen des hiérarchies anciennes et de la polarisation politique autour de l’islamisme, le thème de l’esclavage contemporain sera abordé par la suite à partir d’un bref compte-rendu des travaux sur le sujet, qui seront mis en relation avec les rapports des Nations Unies sur le thème. On utilisera ici la définition donné par les Nations Unies 2 sur l’esclavage contemporain :

« A l’heure actuelle, le terme « esclavage » recouvre diverses violations des droits de l’homme. A l’esclavage traditionnel et au commerce des esclaves s’ajoutent la vente d’enfants, la prostitution enfantine, la pornographie impliquant des enfants, l’exploitation de la main-d’œuvre enfantine, la mutilation sexuelle des enfants de sexe féminin, l’utilisation des enfants dans les conflits armés, la servitude pour dettes, le trafic des personnes et la vente d’organes humains, l’exploitation de la prostitution et certaines pratiques des régimes d’apartheid et coloniaux. »

En Mauritanie, l’esclavage traditionnel s’accompagne des formes de dépendance et d’exclusion ultérieures à l’émancipation des esclaves, ce pendant plusieurs générations ; cependant, l’affranchissement et ses corollaires de servilité et de discrimination ne sont pas bien définis dans les documents des Nations Unies, ni dans les textes officiels mauritaniens.

Pour décrire la persistance des formes extrêmes de dépendance, j’avancerai ici l’utilisation des termes « groupes serviles » et « relations serviles ». La troisième partie du texte concerne les mesures officielles adoptées par l’État mauritanien sur l’esclavage, qui suivent pour l’essentiel les recommandations des Nations Unies.

Pour autant, le négationnisme représente un discours qui circule de manière parallèle, et paradoxale, non seulement au sein des élites politiques, mais aussi, chose surprenante, chez certaines associations de défense des droits humains et civiques. C’est dans ce cadre que je présente une analyse du rapport du Conseil représentatif des associations noires (CRAN, France) sur l’esclavage en Mauritanie. Deux cas illustrent les dérives actuelles des droits humains en Mauritanie, celui de l’emprisonnement de Biram Ould Abeid et de deux autres militants, et celui de Mohamed Cheikh Ould Mkhaitir.

On s’attachera à comprendre d’abord l’utilisation de l’islam et des textes juridiques comme outil politique, exprimée pour la première fois dans le pays par les militants de l’ IRA en 2012. Dans un second temps, on s’attachera à décrire le programme politique suivi au cours de l’année 2014 autour de la « Caravane de l’esclavage foncier », dans la région du fleuve Sénégal, qui s’est terminé par la capture de Biram Ould Abeid.

Le cas du jeune Mohamed Cheikh a fait l’objet d’un dossier publié le 4 février 2015, et dans lequel j’ai présenté et analysé les deux textes qu’il a écrit, et également la fatwa de l’érudit Muhammad Mukhtar al-Shinqiti, qui rejette la peine capitale dans les cas d’apostasie. La publication de ces trois textes n’avait pas encore été proposée au grand public.

En effet, le dossier est paru dans un site d’information français, et dans trois sites mauritaniens 3. Comme nous le savons, la cause de sa condamnation a été la publication d’un texte sur Facebook dans lequel il s’attachait à démontrer que les « castes », c’est-à-dire les statuts personnels liés aux métiers manuels et acquis par la naissance, n’existent pas dans la religion musulmane.

Or, dans cet essai je présente un bref aperçu du sens anthropologique des « castes », et, dans un second temps, j’aborde les positions des organismes de défense des droits humains qui considèrent les « castes » comme une modalité contemporaine d’exclusion, de racisme et d’exploitation dans plusieurs pays du monde, dont la Mauritanie.

Pour conclure, j’aborderai les positions de la Commission nationale des droits de l’homme de Mauritanie, et on pourra apprécier qu’elles se sont considérablement durcies au cours de la dernière année. Étant consciente de la rareté de ma démarche qui s’appuie autant sur le savoir anthropologique, que sur les positions internationales concernant les droits humains et les droits civiques, je vais commencer cet essai en exposant la pertinence de cette option méthodologique et intellectuelle.

Lire intégralité de :

« Essais sur la Mauritanie n°1 les droits humains et les tensions sociales en république islamique de Mauritanie. Les cas de l’emprisonnement de Biram Ould Dah et de la condamnation à mort de Mkhaitir » sur ce lien:

https://www.academia.edu/11294141/Les_droits_humains_et_les_tensions_sociales_en%C3%A9publique_islamique_de_Mauritanie._Les_cas_de_lemprisonnement_de_Biram_ould_Abeid_et_de_la_condamnation_%C3%A0_mort_de_ould_Mkhaitir

Dr Mariella Villasante Cervello 1

Anthropologue (EHESS), Institut de démocratie et des droits humains, IDEHPUCP (Lima, Pérou)

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1 Je remercie pour leur aide précieuse dans la rédaction de cet essai : Mohamed Baba (représentant de l’IRA en France), Aminetou mint Ely Moctar (présidente de l’AFCF ), maître Alice Bullard (représentante de l’IRA aux États-Unis), Hamady Lehbouss (conseiller du président de l’IRA), et Thiam, dit Ndiol, de Rosso.

Martin Klein m’a donné ses avis sur les données démographiques concernant les groupes serviles. Mes remerciements aussi à Christophe de Beauvais qui a effectué les corrections de ce long texte, avec le soin habituel.

2 O NU, Fiche d’information n°14 : http://www.ohchr.org/Documents/Publications/FactSheet14fr.pdf

3 Voir la publication originale dans mon site academia.edu : https://www.academia.edu/10509

/Condamnation_à_mort_de_Mohamed_Cheikh_ould_Mkhaitir._Un_cas_de_dysfonctionnement_de_la_justice_mauritanienne,

sur le site Opinion internationale : http://www.opinion-internationale.com/dossier/pas-de-contrainte-en-islam-il-faut-liberer-mohamed-cheikh-condamne-a-mort-pour-ses-idees-en-mauritanie http://adrar-info.net/?p=30465 [Adrar Info, Nktt le 5 février 2015] http://www.noorinfo.com/La-condamnation-a-mort-de-Mohamed-Cheikh-Ould-Mkhaitir-Un-cas-de-dysfonctionnement-de-la-justice-mauritanienne_a15156.html [Noor Info du 5 février] http://cridem.org

/C_Info.php?article=666751

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