Amendements à la Loi 0048/2007 incriminant l’esclavage: Un petit pas…

Le 3 Septembre 2007, le Parlement mauritanien adopte la loi 0048/2007 portant incrimination de l’esclavage et réprimant les pratiques esclavagistes. Incontestablement, ce texte comblait un vide juridique, permettant, dorénavant, aux juges de statuer, au moins, sur la base de quelque chose dans des affaires d’esclavage qui devenaient de plus en plus récurrentes. Mais des voix se sont élevées, depuis, pour en dénoncer les insuffisances. Ce qui a conduit l’Etat à se résoudre à la revoir, et à proposer, au Parlement, un nouveau projet de loi à débattre, en principe, lors d’une session extraordinaire qui serait convoquée vers le 2 ou 3 Août prochain. Le cas échéant, les amendements que le texte de 2007 pourrait subir ne seraient pas totalement inédits. Lors du dialogue politique entre la majorité et quatre partis de l’opposition, l’esclavage fut élevé, en vertu d’amendements constitutionnels, au « grade » de crime contre l’humanité, devenant ainsi imprescriptible. En Avril 2015, les articles de ladite loi passent de 17 à 26.

Pour ce qui est de l’épisode à venir, la Commission nationale des droits de l’homme, l’Ordre national des avocats, le Forum national des organisations des droits de l’homme, diverses autres organisations de la société civile et personnalités indépendantes ont apporté leur pierre. Cette participation se décline par des propositions d’amélioration, d’ajouts, de reformulation ou de suppression de 17 articles : 2, 3, 4, 6, 7, 8, 9, 10, 15, 17, 19, 20, 21, 22, 23, 25 et 26. Un Groupe de Travail Technique (GTT) a laborieusement travaillé en ce sens, afin d’aider les parlementaires à adopter un texte aux contours plus précis, plus lisible et plus efficace. Dans son document, le GTT propose, notamment, que l’article 3 soit enrichi, afin d’englober l’ensemble des actes esclavagistes tels que définis par les conventions internationales que la Mauritanie a ratifiées. La définition de l’esclavage s’inspirera directement de la terminologie adoptée par ces accords. De pratiques comme le sevrage, la servitude pour dettes, le travail forcé ou obligatoire ou la traite des esclaves seront ainsi considérées comme esclavagistes. Côté proposition, une journée nationale contre les pratiques esclavagistes sera consacrée, chaque année, à la mémoire de leurs victimes, en guise de réparation collective. Les peines prévues à ce même article 3 devraient être majorées : 10 à 20 ans d’emprisonnement et 250.000 UM à 5.000.000 UM, au lieu de 6 mois à 2 ans et 50 à 250.000 UM. Le nouvel article 4 énonce que les auteurs des infractions prévues par la présente loi et leurs complices reconnus sont passibles de la triple peine : privation de liberté, privation des droits civiques (éligibilité et vote) et amendes. Quant aux victimes, elles doivent bénéficier d’une réparation juste et équitable, proportionnellement aux préjudices subis. Pour ce qui est de l’article 6, le GTT avance l’ajout de circonstances aggravant les peines encourues et d’un paragraphe spécifique concernant la tentation de dépositaires de titres officiels à participer au crime. Le document propose la suppression pure et simple des articles 8, 9 et 10. A l’article 15, une proposition d’amélioration dispose qu’en cas de cohabitation ou de toute autre forme d’union, le juge doit déclarer la nullité et accorder, à la victime, une indemnisation juste et équitable et, aux enfants, le droit à une pension alimentaire à charge de leur ascendant établi. A l’article 17, enfin, le concept vague d’apologie doit faire l’objet d’une reformulation plus claire, pour empêcher les interprétations tendancieuses et citer, de façon incontournable, tous les actes apologétiques du crime de l’esclavage.

L’adoption de ce nouveau projet de loi sur les pratiques esclavagistes reste tributaire de la volonté politique. Il viendrait, le cas échéant, s’ajouter à la panoplie de l’arsenal juridique (instruments nationaux et internationaux) dont dispose la Mauritanie. Pour autant et comme tous les juristes le savent, la force de la loi n’est pas dans sa conception mais dans son application. A quoi sert une excellente loi qui ne s’applique pas ? C’est là où le bât blesse. Les lois, tribunaux spéciaux, commissions et commissariats, centre national des droits de l’homme et autre agence ceci ou cela, professions de foi et déclarations d’intention ne servent à rien, si la volonté d’éradiquer réellement le fléau n’y est pas. Or, en Mauritanie, elle ne semble pas y être. La preuve : par deux ou trois fois, au moins, le président Mohamed ould Abdel Aziz a déclaré, publiquement, que l’esclavage n’existe pas. Quels tribunaux, juges, institutions ou administrations, voire textes de lois, oseraient-ils le contredire ? Les dizaines voire centaines d’affaires d’esclavage pendantes devant les juridictions peuvent donc encore attendre que les choses s’éclaircissent. Les lois en éclipse n’ont jamais permis de voir le bout du tunnel.

 

Sneïba El Kory

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