Mauritanie Décision adoptée par le Comité des droits de l’homme des parlementaires à sa 164e session (session en ligne, 8-20 mars 2021)

MRT-03 – Biram Dah Abeid
Allégations de violations des droits de l’homme
 Arrestation et détention arbitraires
 Non-respect des garanties d’une procédure équitable au stade de l’enquête
 Non-respect des garanties d’une procédure équitable au stade du procès
 Atteinte à la liberté d’opinion et d’expression
 Atteinte à l’immunité parlementaire
A. Résumé du cas
M. Biram Dah Abeid, Président du parti l’Initiative de la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA), a été arrêté à son domicile le 7 août 2018 et inculpé « d’atteinte à l’intégrité d’autrui, d’incitation à la violence et de menace d’usage de la violence » le 13 août 2018, suite à une plainte déposée par un journaliste.

Selon le plaignant, l’engagement militant de M. Biram Dah Abeid – et de son parti l’IRA – contre l’esclavage en Mauritanie est à l’origine du harcèlement politico-judiciaire dont il a été victime et qui visait à l’écarter de la scène politique. Le plaignant affirme que les chefs d’accusation portés contre M. Dah Abeid n’étaient étayés par aucun élément de preuve et que son alliance avec le parti politique Essawab en vue des élections législatives de septembre 2018 a été l’élément déclencheur des poursuites engagées contre lui dans le but d’invalider sa candidature aux législatives et de l’empêcher de mener sa campagne librement. La candidature de M. Dah Abeid a néanmoins été validée par la Commission électorale nationale indépendante (CENI), qui a également confirmé son élection alors qu’il était toujours en détention, le 1er septembre 2018.

Le plaignant a souligné qu’en dépit de son élection, la détention préventive de M. Dah Abeid s’est poursuivie en violation de son immunité parlementaire et en l’absence de procès. Répondant à ce point en particulier, le Ministre de la justice a expliqué dans ses correspondances de mai et juin 2019, que les poursuites contre M. Dah Abeid avaient été initiées avant qu’il ne se porte candidat et avant qu’il ne devienne membre de l’Assemblée nationale. Ainsi, l’immunité parlementaire dont se prévaut M. Dah Abeid et qu’il n’a acquise que le jour où son élection a été confirmée, ne saurait avoir un effet rétroactif.

Le Ministre de la justice a ajouté que l’Assemblée nationale n’a pas demandé que M. Dah Abeid soit remis en liberté et n’a pas appelé les autorités à abandonner les poursuites engagées contre lui comme l’y autorise l’article 50 de la Constitution mauritanienne.
Le 31 décembre 2018, M. Dah Abeid a été condamné par le tribunal correctionnel à une peine de six mois d’emprisonnement, dont quatre avec sursis. Il a de ce fait été immédiatement libéré puisque sa période de détention préventive couvrait la durée de sa peine. L’appel formé par ses avocats est toujours en cours d’examen, ce qui, d’après le plaignant, est un moyen de maintenir la pression sur le député.

A sa sortie de prison, M. Dah Abeid a pu reprendre ses fonctions de député en siégeant à l’Assemblée nationale, le 7 janvier 2019. Il a également été en mesure de participer à l’élection présidentielle qui a eu lieu en juin 2019.
B. Décision
Le Comité des droits de l’homme des parlementaires
1. remercie le Ministre de la justice de sa coopération en 2019 et pour les informations fournies dans ses correspondances au sujet du cas de M. Dah Abeid, en particulier concernant l’arrêt de justice rendu dans son affaire ;

2. déplore néanmoins le silence des autorités parlementaires qui n’ont répondu à aucune de ses demandes d’informations depuis qu’il a été saisi du cas en 2018 ; considère que ce silence est d’autant plus regrettable que la détention préventive de M. Dah Abeid s’est poursuivie après son élection comme député et alors que l’Assemblée nationale n’avait pas levé son immunité ; réaffirme que le Comité attache une grande importance au dialogue et à la coopération avec les autorités mauritaniennes, en particulier avec l’Assemblée nationale qui joue un rôle fondamental dans la protection des droits de ses membres, quelle que soit leur appartenance politique ; invite une fois de plus l’Assemblée nationale à répondre à ses requêtes dans les meilleurs délais pour pouvoir trouver une solution définitive à ce cas;

3. relève avec préoccupation que l’appel interjeté par les conseils juridiques de M. Dah Abeid en 2018 n’a toujours pas été examiné par les autorités compétentes pour des raisons inexplicables à ce jour, engendrant ainsi une appréhension chez M. Dah Abeid ; invite les autorités mauritaniennes à organiser un procès en appel impartial et équitable dans les délais prévus par les dispositions juridiques en vigueur, et ce dans le respect des normes nationales et internationales applicables en la matière ; et souhaite être tenu informé de son issue ;

4. se réjouit que M. Dah Abeid ait pu exercer son mandat parlementaire sans entrave ; et espère sincèrement que l’Assemblée nationale prendra les dispositions nécessaires pour éviter la récurrence de ce type de situations et veiller à ce que l’immunité parlementaire de ses membres soit respectée à tout moment ;

5. prie le Secrétaire général de porter la présente décision à la connaissance des autorités compétentes, du plaignant et de toute tierce partie susceptible de lui fournir des informations utiles ;

6. décide de poursuivre l’examen de ce cas.

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