Mauritanie : du deux poids, deux mesures à l’instigation de la discorde Note d’alerte

17 mai 2022

 

 

  1. Depuis une semaine, une vidéo circule sur les réseaux sociaux où un sieur Khattri Ould Djé, réclame l’emprisonnement du député Biram Dah Abeid et de monsieur Samba Thiam, leader des Forces progressistes du changement (Fpc), ex- Forces de libération africaines de Mauritanie (Flam). La séquence, très provocatrice, suscite l’indignation dans les milieux défavorisés, en particulier les descendants d’esclaves noirs, d’origine subsaharienne. Beaucoup de jeunes issus de ce terreau réagissent mal au discours car l’auteur y humilie la communauté des Hratine, qu’il prétend soigner, nourrir et préserver du règlement de la Diya, la compensation légale de l’homicide.

 

  1. C’est dans ce contexte de libération de la parole réactionnaire, que Mohamed Yislem, né en 1985 à Rosso, réagira aux déclarations du susdit, non sans en démentir les allégations, arguments, accusations et incitations à la violence de caste. Le samedi 14 mai 2022, à 10 h, Mohamed Yislim est capturé par des policiers du commissariat de Elmina 3 (commune populaire de la capitale), en uniforme. Il y reste 24 heures, avant le transfert vers un lieu non identifié, selon son père qui le cherchait, partout.

 

  1. Le dimanche 15 mai, le détenu, sur injonction des ravisseurs, appelle son géniteur et l’informe de sa présence au commissariat de police 1 de Tevragh Zeina (commune résidentielle de Nouakchott) ; il demande, aux siens, de lui apporter son téléphone (sous réquisition des Renseignements) et des vêtements de rechange. D’emblée, les agents de faction refusent la rencontre des deux puis se ravisent et décident d’assister à l’entrevue. Quand le père revient porteur de la nourriture au fils, ses interlocuteurs refusent de réceptionner le repas.

 

  1. Mohamed Yislim, rejeton de famille servile croupit en prison, à cause de ses idées et rêves d’émancipation tandis que son contradicteur, fils de famille féodale, reste à l’abri des poursuites, malgré la virulence de ses mots. En Mauritanie, il semble que la définition de l’extrémisme et de l’appel à la haine n’inclut que les propos imputables aux cadets sociaux. Le reste de la population se considère à l’abri et au-dessus des lois contre la discrimination et la stigmatisation. D’ici-peu, si la tendance se confirme, la contestation de l’esclavage et du racisme deviendrait un délit, en soi.

 

  1. Face au regain de tension, entretenu de l’intérieur des factions suprématistes du pouvoir, l’apaisement et l’ouverture prônées par le Président de la République depuis l’alternance de 2019, se trouvent désormais en situation de péril. La cohésion du pays ne cesse de se dégrader, alors que l’insécurité et l’instabilité régionales mettent en danger, nos citoyens, y compris aux frontières nord et est. Tant d’amateurisme des politiques publiques, de faux diplômes, de nominations complaisantes et d’attributions de marchés à des notables sans assise saine, ont nourri et entretenu l’arrogance de la médiocratie installée au cœur de l’Etat. Pour durer, s’enraciner et même prétendre à quelque utilité, la classe redoutée des dirigeants de la Mauritanie, sous l’injonction des moyens-passables-incompétents, a besoin d’attiser les tensions, sur la base de l’identité. Ainsi, prend-elle en otage le sommet de l’administration, ses échelons subalternes et une fraction conséquente de l’opinion. Il n’est pas exclu que les forces obscures préparent une déstabilisation à grande échelle, d’où la présente alerte, à l’attention du Président de la République et de ses proches collaborateurs. La mise en garde s’adresse, également, à l’ensemble des députés et aux organisations de la société civile.

 

Nouakchott le 17 mai 2022

 

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